MONTMIRAIL A TRAVERS LES AGES

Montmirail-sur-Pétrole


En quelques années, le centre du bassin Parisien est devenu le principal bassin pétrolier de France. Si notre pays a pu produire en 1987 plus de trois millions de tonnes de brut, battant le vieux record de 1965, il le doit largement à ce "nouveau pétrole" d'entre Paris et Reims, dont Montmirail est aujourd'hui l'un des hauts lieux.

Le gisement de Villeperdue est situé sur le permis de Montmirail - Les Sièges. Effleuré plus que découvert à la fin des années cinquante, réinventé en 1982 par l'association TOTAL (opérateur) - Triton, il produit actuellement au rythme de quinze mille barils/jour (sept cent cinquante mille tonnes/an).


Le trésor de la Dalle nacrée

Mais tout a commencé voici deux cents millions d'années, ce qui est d'ailleurs très peu par rapport aux quatre milliards six cents millions d'années attribuées à notre planète. A cette époque, un grand regain de vie se produit à la surface du globe. La matière organique abonde, sous toutes ses formes, du plancton au dinosaure. A Montmirail, comme sur l'ensemble du bassin Parisien, s'étend sans doute une mer peu profonde, ouverte vers l'est, où se déposent de fines argiles noires, très riches en matière organique.

Pendant vingt millions d'années, trois cents mètres de sédiments argileux s'accumulent, dont plus de la moitié sont très riches en plancton et peuvent constituer des sources de pétrole : les fameuses "roches mères". Pendant les trente millions d'années suivantes, les reptiles dominent toujours la vie animale, mais les mammifères et les oiseaux sont apparus et, dans le bassin Parisien, se déposent trois cents mètres de calcaires poreux : ce sont les formations du Dogger. A Montmirail, nous nous intéresserons particulièrement aux trente derniers mètres déposés que les géologues appellent Callovien ou, plus poétiquement, "Dalle nacrée". Au-dessus s'entassent encore des marnes imperméables du Callovien ou de l'oxfordien. C'est ce que nousappelons la couverture du gisement. Notre machine à pétrole est en place; il n'y a plus qu'à laisser le temps s'écouler. Vingt millions d'années, pour déposer quatre cents mètres de sable du Crétacé inférieur pendant que se forme l'Atlantique Nord. Quarante millions d'années, pour six cents mètres de craie, où l'on pourra creuser les caves de Champagne. Ajoutons encore quelque soixante-dix millions d'années pour obtenir une centaine de mètres de calcaires de Brie d'âge Tertiaire et rejoindre l'époque actuelle.

Revenons à nos argiles noires déposées il y a deux cents millions d'années. Pendant cent vingt millions d'années, elles se sont enfoncées de deux mille mètres environ, au terme desquels elles subissent une augmentation de pression de l'ordre de 200 kg/cm2. Elles sont portées à une température sans doute modérée de 70 °C. A l'issue de cette longue cuisson à feu doux, la matière organique se transforme en pétrole et ce pétrole, en fines gouttelettes, quitte sa roche mère argileuse et va où il y a de la place, dans les interstices des roches poreuses. Plus léger que l'eau, le pétrole a tendance à monter jusqu'à ce qu'il soit arrêté par une roche imperméable. Et nous le retrouvons à Villeperdue vers -1850m, concentré dans les trente mètres de la Dalle nacrée, sous les argiles de l'oxfordien.

Signalons au passage combien certaines étapes géologiques sont favorables à l'homme. Si vous voulez voir les argiles noires, roches mères du Lias, allez en Lorraine et vous les trouverez à la source de la mirabelle. Notre réservoir de la Dalle nacrée, vous pouvez le saluer en Bourgogne, au nord de Beaune, où il produit l'Aloxe Corton, prestigieux vin rouge, tandis que notre couverture marneuse produit le Corton Charlemagne, non moins prestigieux vin blanc. Et ce n'est pas à Montmirail, aux portes de la Champagne, que l'on peut oublier les vertus de la craie, support de prédilection du cépage Chardonnay.

Mais revenons à notre pétrole de Villeperdue, autre bienfait de la Nature. Son réservoir de la Dalle nacrée est constitué de calcaires oolithiques, à l'exception de la partie inférieure, qui est compacte. Les oolithes sont de petits grains sphériques laissant entre eux des vides : les pores de la roche. Ces pores peuvent avoir été bouchés par des dépôts de ciment ou de cristaux dolomitiques et il n'y a plus de place pour le pétrole. Lorsqu'ils sont bien développés, leur volume peut atteindre 18 à 20 % de celui de la roche. Qu'ils communiquent bien entre eux et nous obtiendrons un puits bon producteur qui pourra débiter jusqu'à 150 m3/jour de pétrole. Si au contraire les pores sont obstrués et communiquent mal, les puits produiront quelques mètres cubes/jour, voire rien du tout.

En moyenne, la partie supérieure du réservoir a 8 m d'épaisseur et une porosité de l'ordre de 12 % ; la partie médiane a 11 m d'épaisseur et sa porosité varie entre 8 et 18 %. A l'est du champ, ce réservoir est devenu tellement compact qu'il a arrêté la circulation de pétrole, constituant ce que les géologues pétroliers appellent une barrière de perméabilité. Le gisement, de forme elliptique, mesure environ 13 km d'est en ouest et 9 km du nord au sud. Il s'étend sur dix communes : Rieux, où fut foré le premier puits de Villeperdue, Trefols, Mecringes, Morsains, Montmirail, Bergères-sous-Montmirail, Le Gault-Soigny, Boissy-le Repos, Charleville et Le Thoult-Trosnay.


Et pour quelques barils de plus...

On estime l'huile en place, c'est-à-dire le total de l'huile contenue dans les pores de la roche à 70 Mm3 trouvés. C'est un pétrole de bonne qualité, léger, comparable par sa densité (0,85) à celui de la mer du Nord. Riche en paraffine, il est aussi pauvre en gaz, la cuisson de la matière organique ayant été modérée. Ceci a plusieurs conséquences. D'abord, le pétrole est à la pression hydrostatique : il ne jaillit pas naturellement. Il faut aller le chercher et utiliser del'énergie pour cela, d'où le système de pompage. En contrepartie, en cas d'accident, aucune pollution n'est à craindre ; le pétrole restera où il est, sous terre.

Deuxième conséquence, comme il n'y a pas de gaz pour maintenir la pression du gisement, celle-ci décroît très vite et, dans ces conditions, seulement 3 à 4 % du pétrole en place sont récupérables, ce qui est fort peu. Pour pallier cet inconvénient, il faut injecter de l'eau sous pression dans le réservoir. On peut espérer alors une récupération minimum de15% de l'huile en place. L'injection d'eau a été commencée en 1986 pour être portée progressivement à un rythme moyen de 3000 m3 /jour.

Avec environ cent trente puits d'exploitation représentant un total de deux cent cinquant

e mille mètres forés, le développement du gisement est aujourd'hui à peu près achevé. Il a été conduit de manière très pragmatique, à partir de plates-formes installées tous les douze cents mètres selon un quadrillage régulier. Autour des puits verticaux de base, TOTAL a foré en déviation des puits d'extension qui se sont tous révélés productifs. Ces puits sont regroupés par trois ouquatre sur la même plate-forme, formant une sorte de grappe appelée en américain -langue du pétrole. Amorcées vers - 250 m au moyen d'un raccord coudé et d'une turbine pour diriger le forage, de telles déviations peuvent atteindre leur cible à une distance horizontale de huit cent cinquante mètres par rapport à la verticale du puits : un moyen efficace de drainer l'ensemble du gisement en évitant d'occuper trop de surface au sol. L'environnement est ainsi préservé au maximum. Les puits sont reliés au centre de production de Maclaunay par un réseau de collecte enterré, conçu en fibre de verre pour éviter la corrosion. Le mélange sortant des puits est constitué d'environ 75 % de pétrole et 25 % d'eau. Il est réchauffé par un four avant d'être décanté dans deux séparateurs fonctionnant en parallèle. Une fois dégazé (il y a peu de gaz, mais juste assez pour ennuyer les techniciens), le pétrole est stocké dans deux bacs de 4000 m3 chacun. C'est de là qu'il gagnera la raffinerie de Grandpuits, près de Nangis, à travers les soixante kilomètres du pipeline posé fin 1986.

Un télésystème surveille l'ensemble des installations et permet la télécommande des équipements des plates-formes, du centre de production et du pipeline. Il aura donc fallu deux cents millions d'années de Nature et quelques années d'efforts des hommes pour écrire l'histoire pétrolière de Montmirail. Le destin du gisement est désormais connu, mais il nous revient encore d'agrandir sa famille. Des découvertes ont été faites récemment sur les sites proches de Hautefeuille et de Vertus ; d'autres donneront peut-être demain naissance à un frère de Villeperdue. Grand frère ou petit frère, frère jumeau ou frère siamois ? L'avenir le dira.


Gilbert Pommier

Directeur de TOTAL Exploration

Edité par

TOTAL Compagnie Française des Pétroles

direction de l'information et des relations extérieures

8, rue Michel-Ange - 75781 PARIS Cedex 16

Avril 1988

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